samedi 14 février 2009

Allô
Allô

dimanche 25 janvier 2009

Les raisins t'aiment
C'est la sierra
Langue entre tes draps


***
Pour voyager à peu de frais :
lire le soir, avec mon amoureuse
LE PAYSAN DE PARIS

samedi 24 janvier 2009

CHANT DES GRELOTS TANT

Alphonse amorce le tir
Et semonce
On sème
Par les chants
Les sables mouvants
Enclin qu'on se
Fadaise fraise falaise
Les pieds à l'aise
L'alezan


***


FIL DE LA LIBERTE

Fil pour les chevaux
Fil pour les vaches
Le ruisseau
En panne si tôt il n'en reste qu'une
PLUS VITE
Nous les reverrons
Les rêverons
Les percherons


***


Sou quai ferme
En cadence
La crue
De l'eau
Et bas-côtés
Labourés
Ferme ses yeux


***


Nue achevant
Ses traces de vent
Il faut passer ?
KOURGAN

Jugez ! Jugez ! criait le cavalier de tête aux deux
Fuyards qui roulaient à son côté, parmi les troupeaux.
Les fuseaux d'herbes de la steppe résonnaient des argots
Houleux, chantés par les garçons, poursuivis par des boeufs.
Le premier, court et clair comme un prophète de vieux soirs
Se savait cuirassé de mains et orné de gravures
Abstraites ; l'autre, Abkhaze aux joues droites, gardait les yeux ouverts
Les tempes hirsutes, écoutant sagement les pleurs de foire.
Vers les monts cuivrés de lions d'or et de cédrats, au midi
Bougeaient de grandes lignes accourues aux migrations
Que les foules d'oiseaux, enfarouchées par le bourdon
Des troupes, venaient couper au reflet rudoyant des piques.
.............

Journal

Un conflit de pantalons éclate au grand jour entre les kourganes rassasiés. L’imagination quand elle s’éprend, laisse des Thraces à terre et la cohue bout dans un réceptacle chinois ouvré – deux mains dans une pendule indiquent le bonheur et les chiens à la ronde se trompent de danse.


Contentement du chef de bord – les fleurs, réparties de cris, aboiements d’enfants mendiant le soleil de onze heures sur les murs soldés : la feuille des joies, le bonnet de marin ou la tentation. Quel tri dans les bois ! Jolies jolies les épousseteuses de lilas en bas à fournir aux avoisinants le cavalier vers le soir. Et tremblent de bizarrement caressent de bourdonnements pour des grâces imprimées journal de foire et buveur public, en fond d’airain le Pont aux arceaux de crêpe brûlé et la sauvagerie des apologues conduits jusqu’au front d’hiver :
– Tac ! Et mouche ! Je fais mouche !
– Mouche à vers n’amasse que dithyrambes.
– Des ïambes ! Des ïambes à notre cul-de-barre !
– La sainteté, Messieurs, la sainteté !
– Ne m’oubliez pas !
– Les beaux dessous Mesdames et les affreux dessus ! Les affrètes capturées et les bas toulousains ; vous verrez ferveur.
– Si vous gloussiez…
– Blou, blou.
– GLOU !
– Glou.
– Voyons.
– Voyant.
– Il était ivre, il était gris.
– Gris oui mais très poli ; pas un faux col.
– Trois faux-culs !
– Il en voit partout.
– Ça n’est pas possible.
– Ce que je lui ai mis.
– Allons boire.
– Jusqu’à pissoif.

Regardez les ornières ! Pas une plus haute que l’autre, comme les grues de Rouen.
– Ce sera le dernier beau.


Plaisir de clavicorde à revers de vermeil. Haro sur les perspectives de Sans-Souci ! Haro ! Première flottaison en cynique c’est les cavalcades et lézardes et estocades à l’œil gauche, celui qui voit. La pervenche est avec le prieur au fond du catalogue – Mesdames ne regardez pas le crépuscule cruel a gardé ses manières d’aborigène dans les Gobelins haris ourdis percés d’insalubres pac ! PLAMPLAMPLAM ! c’est la Muse du chétif qu’enrobée de portés en signe sous les porches ressemblants la fin du lyrisme. Commune Achimédée des amassée en province et seigneuriales de sang mauvais, parque sous les faîtes en odeur de safran – condamnez ! Pommadez et antiquissez les receveurs téléphériques à la rondeur coupable vue sur le rouge des expressions embarquées, à la mer ! Pauvrettes Juliettes tressées de garnitures impalpables inacceptables et franciscaines sous la nuque, dans le velours des foies jardinés à foison, remontés d’épique… La voix se fait tard, desserre l’eau-forte qui se noie en bougeant.


Au plumeau de cascade les canonnades de la Saint-Jean ont coloré de beau les fertiles mamelons dandinés de la douairière sans l’accord, bien entendu, qui volait la phrase en trille dans les combles.
Si bien que la fermière regardant au loin les hurlements de sapin qu’enferment de vapeurs, croisant au foin des tonalités veuves, bègues et d’oc ; le vin regardant la Pulcinella essayer ses pastels en long de filets corps – l’hallucination fait la nature, au moindre hésitant pour une tonsure délicature et Caracalla :
– Caracalla ! Caracalla !
– Les voilà qui revirent, l’angle est pris ! caressaient-ils au cours des fumées de grinçon peu algébrées par enfardées.
Le premier garçon louvait une teinture écoulée…

Raconter des frasques, battre les cochons ; les empires se redressent ainsi et s’embrassent la chaire voûtée les unes contre les autres.
Trois Français.
La gloire se mure et file en branches au cœur du pavillon renversé d’amour. L’ivresse duchesse est enchanteresse.
Trop français
Arrêtez le chant. Ecoutez le probe. Changez des cliquetilles les beautés juchées derrière le cocher – fringante modernité en s’en moquant comme d’un baptême.
Je n’osai pas le dire et il n’osait allongé au bord du fossé l’eau claire les cieux longue route encore cerclée arrangements n’hésitez pas à la vendange
On court à l’aveugle
On n’entend que les nuages
Et les batailles asiatiques.


La fleur des colères classiques – la fine fleur, l’écrasement partout de fer, d’emphatique, de simulés au parterre traînant des soumissions trop hâves. C’est la loi. Pour feu des épisodes les renoncules s’émeuvent ou perdent des grues blanches, le fer le perd la Perse en chants assommeurs, rejetés, capitulés, outrés, penchés, cintrés pour rien au rire calembredaine monté le long des arcades – on crie aux bourgeois, mais le soleil se plombe d’un arc-en-ciel.
Les expériences s’entremêlent ; le premier venu à la digue sort et prend les devants malgré la lumière ; et c’est insupportable et les côtes se couchent et le velours.
Si l’on voulait…
Hélas les engrenages, lancés en grande pompe le jour les femmes couvertes d’ombrelles percées et resserrant la houle jusqu’au bord, pour voir.
Voir les trop étendus carrés tinter et flotter comme flemmes oraisons. Le Prophète recule. Bruit.
Une foule de poètes sous les jalousies de la salle de bains les parfums laissés les pays foncés dictature et meurtrissures, distribution au grand son ; la vue sur le reste ne laisse aucune place, il faut s’éteindre, se placer, se louper.
Jusqu’à la prochaine station. Et les bougies revireront : c’est ici où la messe est sise. Nul ne comprendra, d’aristocrate en fin chanteur on s’enviera. Le mot est toujours au fripon.

vendredi 23 janvier 2009

Anarcho tonneaux me
Ah narco sein dit Calixte
La différence c'est
L'ALUTHE DECLASSE


***

Dialogue de sourds
rien
Blois boit
Si vous m'aimez
Mémé
D'eau n'émoi qu'un instant
Ou même un taon
M'aime un temps
Mais Mémé
Noeud même pas
Jus de miel
Il n'y a que des accapareurs
Ils ont les cheveux en brosse


***


SUD SUD SUD SUD SUD SUD SUD SUD
SUD SUD SUD SUD SUD SUD
SUD SUD SUD
Vive SUD et la gare
Saint-Lazare


***


Il y a des cambrioleurs pour les femmes
Des cambrioleurs pour les abat-jours
Des cambrioleurs pour l'ordre
Chaussées ou pygmées


***


PORTRAIT EN CREUX

Les cheveux
Les oreilles
Les pieds.
cueille de l'Aragonier

pied-tendre

APPEL A LA GREVE GENERALE ILLIMITEE


Le 29 janvier

Tous en grève

Rennes 2 bloqué, partout bloqué

ARRETEZ TOUT


Coeur de sphère et gros marteaux
La police nous écrase

POLICE
Gros poissons
Trois heures
Une machine
Jolie rencontre ventre creux
Je suis fixe sur tes genoux
L'air de la rue a des chahuts
Des bons
Chevrefeuilles et des rosettes

A qui mieux-mieux
Les rhododendrons
Ils ont filé derrière la locomotive
Par là c'est tout neuf



***


Le chemin recouvert d'imbrications
Tout est chantant
Les canetons vont par couples
Pas âme qui vive dans


***


Les marmotons jouent avec des paysages
Elle eût brisé
Dans un autre cas
S'ils s'entendaient
Au coup par coup
Filer dessous


***


Pour joindre les deux bouts de la bûche
Il faut froisser un magistère
Et doucement
Ergotant
Pâlir
Arrondir
Voire
Voirie
Le vent de l'étroit porte des chemises
Qui prennent les souffles
Les plus banals

dimanche 18 janvier 2009

C'est dans l'expérience directe du langage, du travail, du mouvement vital de désir et d'éthique qu'est l'acte de création, qu'a lieu le rapport avec l'ordre politique des choses. On ne peut pas dire pour que quelqu'un d'autre nous écoute (nous lise) et soit d'accord avec nous. Il s'agit de faire partager à l'autre notre expérience du langage et de l'éthique ; il aura la liberté de mettre cette expérience en rapport avec la sienne. Ainsi on se parle, on se transmet de la vie, du devenir ensemble par l'art.


Loin donc désormais l'idée de se faire lire par le plus de personnes possibles - rien là qui vaille la peine. L'essentiel est d'abord l'expérience individuelle de la CONFRONTATION A LA CREATION (il y a déjà dans acte créateur trop de mystification), puis l'élargissement de cette confrontation à l'autre (c'est là le plus passionnant). Un poème, un texte peut être perdu dans le vent ; l'expérience qu'on en a eu est ce qui compte.


Mais tout ça n'est que le début : échapper à l'institution de l'art normalisé (par ses moyens, par ses objets, par ses réseaux), refuser l'ordre dominant. Le vrai combat, c'est de défendre, d'enrichir et de développer notre liberté individuelle (intellectuelle, vitale, sociale, éthique) et de nouveaux possibles d'expérience collective. Des devenirs sociaux et politiques communs. Il y a le combat militant ; l'activité poétique en est un autre - c'est une relation intense, exigeante, active au langage, au travail de positionnement vis-à-vis du monde et de l'autre. Retrouver les mots, les forces du langage (lui-même social et collectif, lien premier) c'est travailler, participer à la (re)construction du commun, dans une société fragmentée. C'est s'opposer à l'ordre individualiste et antisocial entretenu par les groupes dominants.


Ce combat poétique est inséparable des solidarités et des luttes démocratiques, émancipatrices et égalitaires héritées de la révolution de 1793 et du mouvement ouvrier.


samedi 17 janvier 2009

Saison de labeur ambiance sur les collines
Mystère où des cachés
Semblent tremblent l'essai au ventre
Sous des pavillons


La lente ardeur et les fruits ramassés
Dans un montant triste
Car les femmes et les petites boucles embrassées
Sont loin.



***


Pourquoi m'infliger
Ces fenêtres
Avec leurs poissons derrière

Personne n'est dupe


***


TABLE GLISSANTE

Claire c'était un mot de René Char
Un mot transparent
Cours là-bas et sur les épaules
Avec des frissons

Les seins jeunes
Pour le silence on m'avait ordonné :
Sois tendre

Si j'avais obéi sans regarder les yeux
Le rythme des jambes abusivement
Court et son
La est ouverte
La course

Les Amis du peuple

La révolution jacobine de 1792-94 semble avoir été la première rencontre entre les intellectuels et le peuple. Même s'il n'y a pas eu fusion, et si l'unité n'était que le discours officiel pour contrôler et diriger l'énergie, la rencontre semble avoir eu lieu, avant tout passionnelle et certainement souvent lyrique ; cela malgré les dissensions de classes, malgré la rage des milieux populaires contre le capital et ses complices, malgré les intérêts divergents du prolétariat parisien et du pouvoir montagnard bourgeois. 

La rencontre, le rapproché, c'est la Convention ouverte au public, les Jacobins peut-être avant tout, les Cordeliers où afflue la sans-culotterie, les sections et la Commune de Paris dirigées par des hommes très instruits, mais pleines d'ouvriers, artisans, boutiquiers, enfin les sociétés populaires de province, où ces derniers, plus peut-être certains campagnards, se mêlent à la petite bourgeoisie urbaine. Les députés, les hommes d'Etat, même les plus renommés, et le peuple se sont vus de près. Et puis il y avait les journalistes, la large diffusion des revues, mais surtout le lien passionnel, de solidarité et de combat, du peuple avec des intellectuels-journalistes comme Marat ou Hébert, qu'on pouvait entendre dans les clubs, et avec qui, probablement, il n'était pas trop difficile de parler un peu. 

Bourgeois ne veut pas dire bien sûr intellectuel. Comme député, à priori. Mais l'engagement dans la révolution semble avoir été si fort que tous les acteurs politiques, et plus qu'ailleurs dans les clubs et assemblées, ont été contraints de se poser, on l'imagine, un nombre immense de questions, fondamentales et pratiques. 

Robespierre a laissé une pensée forte, importante, à travers ses discours surtout, discours enflammés, qu'il faudra lire (plus enflammés que profonds ? Pas sûr). Saint-Just a écrit, théoricien de l'Etat républicain. Desmoulins était journaliste, parmi les plus influents. Comme Brissot. Il faudrait faire une recherche sur tous les membres de la Convention.

Des questions sont à poser sur ces journaux : quelle est la part de la propagande, celle de la pensée ? Si pensée il y a dans ces revues, elle est avant tout polémique. C'est la guerre des opinions, il faut taper fort, de façon imagée, avec des cibles claires. 

Il n'y a pas vraiment, semble-t-il, de théoricien de la révolution. Sa pensée se crée dans l'action, dans l'urgence et l'affrontement, avec la nécessité de l'efficacité. Robespierre, notaire d'Arras devenu membre éminent du Comité de salut public, est-il un intellectuel ? Peu importent les critères actuels de la définition. Le mot à l'époque n'est d'ailleurs qu'un adjectif, le concept n'existe pas.  Ceux qui pensent le plus intensément et le plus loin la révolution (comme ce sera le cas, en général, pour la contre-révolution et la restauration) y agissent directement, à l'assemblée, dans les comités ou dans la presse. Rien ne se passe sans leurs avis, sans leur pression. L'atmosphère parisienne est en partie échauffée et entretenue par eux ; en province la propagande révolutionnaire est intense, fait son effet. Le contexte, la pression populaire constante, la position politique dominante des Montagnards, fait que les questions sociales, les préoccupation premières du peuple (notamment celle des subsistances) ne peuvent pas ne pas être débattues, de la Convention aux assemblées de section. Le pouvoir a ses réserves vis-à-vis de la rue, des Enragés en particulier, qui ont une forte audience. Mais il se trouve toujours des députés pour raviver les débats ; et puis il y a les journaux populaires, le club des Cordeliers, relais des opinions d' "extrême gauche". Les sociétés de femmes approfondissent encore le rapprochement, de par leur rapport direct à ceux qui mènent et pensent la révolution. Elles ont leur influence sur ces "intellectuels", notamment par leur pouvoir de subversion, le danger insurrectionnel qu'elles représentent, l'instabilité qu'elles participent à attiser. 


Il faut poser cette question du rapport entre la pensée de la politique et les classes populaires, à chaque moment de l'histoire, et en particulier dans les moments insurrectionnels. Ce rapport a fortement évolué. Aujourd'hui les "intellectuels" sont une institution, certainement l'opposé de l'homme d'action, même si certains, comme Daniel Bensaïd, s'occupent avant tout de lier pensée et action. Il faut porter l'analyse sur le rapport entre les théories sociales et politiques et les classes populaires, dans le mouvement ouvrier, dans 1848, dans la Commune, dans 1905 et 1917, dans le Parti communiste, dans la révolution espagnole, dans mai 68, etc. 

Cette question, surtout, est à poser pour aujourd'hui. Et poser encore ce qu'est la rencontre, si elle n'est pas une idée creuse, si elle a véritablement un sens, une histoire. 
POEME MILITANT IDIOT

J'ai cru entendre une mélodie forte
C'était des yeux dans les porte-voix des anciennes mines
Et tout le monde aurait du être ému

Sur le ciel blanc des tracts
Matin rouge
Ô les mots du pays ô les visages réveillés
Poignées de passage tout autour
Victoires à venir noires
Les soleils flottent

lundi 29 décembre 2008

1793 : travailler plus pour gagner BEAUCOUP plus




"L'équipe qui assuma, pendant l'an II, la conduite de la Révolution se constitua entre le 10 juillet et le 20 septembre. Elle comprit onze membres, après l'élimination du bel Hérault de Séchelles, et occupa la scène pendant dix mois. Robespierre lui apporta son éxpérience et son sens politique ; Barère, sa plume alerte ; Jeanbon Saint-André, Carnot, Lindet, les deux Prieur, leurs connaissances spéciales et leur méthode ; Couthon, Saint-Just, Collot d'Herbois, Billaud-Varenne, leur fougue et leur audace. Tous appartenaient à la petite bourgeoisie d'Ancien Régime, travailleuse et économe. Le doyen n'atteignait pas 48 ans et le doyen en avait 26. Leur personnalité accusée, leurs tempéraments, le surmenage entraînèrent des heurts. Leurs divergences d'opinion furent réelles. Lindet, Carnot, conservateurs sociaux, réfusèrent de s'inscrire aux Jacobins, tandis que Billaud et Collot inclinaient vers la sans-culotterie. Mais ils relèguèrent au second plan leurs préoccupations sentimentales, familiales oup professionnelles, pour consacrer tous leurs instants au service de la patrie.

On demeure confondu par leur puissance de travail et leur extraordinaire activité. Le matin, dès sept heures, ils lisaient les premières dépêches, traitaient en particulier des détails de tous ordres. L'après-midi, plusieurs se rendaient à la Convention, puis le soir, aux Jacobins. Vers huit heures, ils se réunissaient, et leurs discussions se prolongeaient très avant dans la nuit. Gagnés par le sommeil, ils prenaient parfois un peu de repos furtif sur des lits de camp dréssés dans la salle même. Entre eux aucune intimité réelle. Aucun loisir, aucune détente. Ils répugnaient aux "brillants accessoires" qui accompagnent ordinairement la puissance et se contentaient de leurs appointements de députés, dix-huit livres assignats par jour. S'ils dînaent au restaurant voisin, c'était à huit sols.

La multiplicité des affaires, plus de cinq cents par jour, leur interdisait de les examiner toutes en commun. Enregistrées, elles étaient réparties entre les services dont le nombre des employés passa, dans les trois mois d'hiver, de 67 à 252. Ceux qui les dirigeaient, "les gens d'examen", Carnot à le Guerre, Prieur (de la Côte-d'Or) aux Armes et Poudres, Lindet aux Approvisionnements, portaient, pour les dispositions particulières, une responsabilité plus grande, mais, par essence, le pouvoir de décision fut collégial et les arrêtés exigèrent au moins trois signatures. Les "gens de la haute main" - Robespierre, Saint-Just et Couthon - auxquels incombaient les grandes affaires, ne se distinguaient pas des "révolutionnaires" Billaud et Collot, chargés de la correspondance. Leurs actions concertées ou isolées participèrent de la même rigueur doctrinale. Jusqu'à Thermidor, la solidarité institutionnelle fut respectée et le secret des débats rigoureusement préservé.

En principe, le Comité resta "fermé et inaccessible" aux démarches passionnelles, mais réclama sans cesse l'aval de la Convention, s'abritant derrière elle. "C'est une portion, un résumé de vous-mêmes, on ne peut l'accuser injustement sans vous attaquer tous", déclara Barère aux députés qui, chaque mois, confirmèrent ses pouvoirs. Jusqu'aux premières victoires de l'automne de 1793 il risqua son existence, ainsi qu'un ministère parlementaire. Comme celle des autres Comités, ses initiatives furent diffusées, commentées et discutées avant d'être décrétées ; il ne lui suffisait pas de les présenter pour que l'Assemblées s'inclinât. Couthon, Barère, Collot, plus souvent que Robespierre, défendirent devant elle la politique d'un gouvernement qui refusait ce nom. "Nous sommes le bras qu'elle fait agir."

Même limitée à l'exécution, son influence fut considérable. (...) L'opinion reconnut son autorité et l'ennemi se persuada qu'elle était absolue. Cette sujétion n'apparaît pas dans les rapports humains. Les députés se conduisirent en "collègues". Spontanément, ils transmirent leurs informations et suggérèrent des informations au Comité. Celui-ci en tint compte et porta aux situations locales une attention continue. Si Robespierre et Barère ne quittèrent pas Paris, ses autres membres, surtout Jeanbon Saint-André, Prieur (de la Marne) et Saint-Just, s'absentèrent souvent. Au même titre que les Montagnards de la Convention, ils assumèrent de longues et pénibles missions."



La République jacobine
, Marc Bouloiseau (Points Histoire)



J'ai trouvé très beau ce passage sur le Comité de salut public. On est loin des fauves démocratiques excités par le feu et le sang. Bien sûr l'histoire de 1792-1794 est dure, est violente. Mais elle n'existe pas sans son contexte, avec la guerre contre l'Europe et la contre-révolution intérieure. Surtout elle est le fondement, l'expérience radicale de la démocratie et du combat pour l'égalité. On rêve surtout de Mai 68, or la référence, je crois, à 1793 est bien plus profonde et subversive pour repenser notre révolution égalitaire.



Ah ça ira, ça ira, ça ira !...

vendredi 26 décembre 2008

jeudi 25 décembre 2008

Pour avancer vraiment dans mon travail sur le langage, dans l'écriture, aller plus loin intellectuellement et essentiellement, dépasser le lyrisme et la jouissance d'énonciation - interroger, comment on use du langage (mais plus seulement), à quoi il sert, qu'est-ce qu'il dit, comment il dit, avec quel lien au monde, quel lien à l'éthique. En vérité je n'ai jamais travaillé sur le langage - j'ai illustré, dessinaillé. Il faut poser dans l'écriture son usage, sons sens, sa façon de lier les êtres entre eux et les êtres aux choses, son rapport à l'ordre, à la subversion. Non plus tellement pourquoi on dit, mais qu'est-ce qu'on dit, et comment, et croyant dire quoi, et disant effectivement quoi ?

La poésie : non plus mettre le langage sur le monde, mais le poser par rapport au monde, aussi contre le monde, comme un conflit, et une velléité de contact entre l'homme (le sujet) et le monde.

Je dis, donc j'oppose ma subjectivité.

Le monde n'en est pas moins là, et je me frotte par le langage avec lui. D'autant plus que le langage est social, il est je et nous. La poésie est ce combat, c'est une exploration de l'énonciation et du sens de l'énonciation.

Ainsi je ne dois pas écrire en essayant de faire exister des images, des idées, des projections, mais en luttant, à chaque seconde, avec ma capacité à les comprendre et à les exprimer, à parler, à produire du sens. Le langage écrit sera ainsi toujours questions et combat.

A cause de tout cela le langage est le socle et le noyau de la politique. Penser le langage est le premier impératif. Pour ne pas parler du monde comme élément extérieur, observable en soi, mais parler de notre relation à lui ; pour ne pas se contenter du plaisir d'énoncer (en ce qui concerne la poésie).

En cela la place du poète, de l'artiste est centrale dans la société. C'est lui qui fait se déplacer les perceptions, les compréhensions du langage. Une révolution de la perception est une révolution de la perception du sens, des moyens d'accéder au sens, de l'exprimer. Comme notre vie n'est qu'une relation avec le sens, la poésie est un moyen d'être.

La poésie est donc profondément centrale pour la société, puisqu'elle fait circuler le sens, qu'elle montre le sens au sujet, donc montre à la société, en montrant les changements et le devenir du sens, le sens lui-même.

Ce qui désigne le sens ne peut que révéler l'imposture de l'ordre. Appeler à chercher du sens. Cette recherche perpétuelle du sens, c'est la Révolution.

Levantines suite



VOSKHICHTCHENIE

Gardez vos moutons et gardez vos yeux pour ces plaines
Sans fleur sans coupole où l'on sonne
L'heure des jardins tranquilles, la neige
Qui sent, qui bruisse, qui charge, adoucit les épaules
Juste pour le bras de celle qui vient sans bruit
Par derrière l'église, pas de loup

Et les chemins vers la rivière
Sont sacrés couverts de prêtres
Mais les enfants insolents aux portes
Eclatent plus fort que la neige
Outrageant les bénédictions langage de neige langage de rivière
Chemins couverts de prêtres et croix qu'on érige
Comme des faisceaux aux portails des potagers

Ce n'est qu'appels, appels de cris, appels défaits, appels de fous
Loin du jardin doucereux
Au soleil sur les théières
Aux mains qui passent aux chaises aux marronniers
Et dans le ciel d'automne la rondeur des monastères
Me plie à la chaleur, se rapprocher, se rapprocher, pleurer...

Proust conservateur ?

Un homme parle ici de Proust. Et dans son discours - voilà comment la phénoménologie est conservatrice. Proust lui n'est pas conplètement conservateur.
Mais dans le commentaire de Proust par le mec, avec des outils d'analyse moderne, la science de l'homme, la phénoménologie, il montre qu'on ne peut jamais être content du monde, que la déception attend partout, et que face à cela seule l'imagination est absolue. Et donc l'art, ici la littérature. Qui permet d'échapper au temps, à l'espace - c'est vrai, mais il parle d'"ordinaire". C'est là que le chien est enterré. Qu'est-ce qui est ordinaire ? Il détache la vie avec les oeuvres (extraordinaire) de la vie hors des oeuvres (ordinaire). Dualisme. Oui, l'imagination est aussi la réalité. Mais elle n'est pas seule extraordinaire, et l'art et la vie (la politique, le social, l'acte, l'éthique) sont complètement liés, en conflit permanent, mais consubstantiels. C'est cette catégorie ordinaire-extraordinaire qui, en sous-entendant que la vie intérieure est moins ordinaire que l'autre, n'invite pas à agir dans l'autre, et fait oublier qu'agir en littérature, c'est agir dans le monde ; c'est, donc, cette catégorisation qui est du parti de l'ordre.

Autocritique de "Les pensées et les roses"

Une réflexion (déjà ancienne) écrite loin d'ici :


La relecture de Crime et châtiment et les évènements de ces dernières semaines m'ont poussé à un recadrage sur l'homme ; mais aussi cette relecture de mes nouvelles qui m'a enfin mis devant les yeux la faiblesse de Les pensées et les roses, sa mignardise de Fragonard. La nouvelle précédente, bien qu'écrite avec énormément de jeunesse et un style peu ouvragé, s'est enfin révélée beaucoup plus forte : de cela qu'elle repose et vit avant tout sur des enjeux humains, et non sur de nuances de couleur ou des plaisirs ornementaux. Ce terme d'enjeu doit être un des plus importants à garder en mémoire, car se sont eux, les enjeux, la vraie structure du récit - non pas les motifs comme je l'avait cru, ni les mouvements de couleur ou de ligne. Le gothique en effet a été responsable. Les ornements ne doivent exister que par l'enjeu, comme reflets de l'âme ; dans la prose ils ne sont pas le mouvement de l'oeuvre eux-mêmes, comme en architecture ou en peinture.
L'homme intérieur, les événements humains seuls sont ce mouvement ; les motifs poétiques doivent en être les créateurs profonds, tirés de l'expérience, des obsessions, des penchants, des refuges de l'âme humaine. Dessiner un motif pour le seul plaisir des yeux est une faiblesse dans la prose.
Dans La Maestà c'est la délicatesse humaine et la tension intérieure qui font le pouvoir du récit : la faiblesse formelle est une limite mais n'empêche pas pas l'essentiel de toucher les sentiments ; le texte a une vie véritable parce qu'il maintient ses enjeux, qui sont ici moraux, mais aussi tout simplement vitaux (la vitalité même de Johann est menacée, et chaque mouvement du récit est un évènement de cette vie en balance - les passages d'ornementation ont des conséquences fortes). Les premières lignes de la nouvelle avaient allumé une tension (ce qui n'est pas obligatoire dans un long roman, mais s'impose dans une nouvelle ; en effet Les pensées et les roses a quelque chose d'un roman étranglé), et les dernières lignes, et le dénouement rappellent le commencement : la nouvelle existe. Le lecteur qui l'a lue a vécu avec elle.
Les pensées et les roses commence sur une flânerie innocente, et se termine à peu près de la même façon ; aucun sentiment porteur de ce qui va suivre n'est apporté dans les premiers paragraphes ; il ne s'agit que d'une promenade architecturale et florale. Le monde extérieur n'existe pas en fonction du regard intérieur et personnel, il n'existe donc en fait presque pas du tout. Dès le départ le récit est faible, mignard. L'enjeu ne vient tomber qu'à la moitié du texte, et c'est déjà beaucoup trop tard, surtout que rien n'a préparé à l'irruption de Marina. Toute la première moitié n'est qu'une flânerie bavarde. Les plaisirs de la forme, la recherche de délicatesse et de rondeur, les nuances de teinte et de ligne sont comme extérieures à la ligne essentielle du récit ; et bien pire, elles se sont substituées à elle. Jusqu'à la première évocation de Marina, il n'y a pas de ligne centrale, rien qui rassemble les mots pour en faire une nouvelle. L'illusion a été de croire que l'architecturation ornementale allait servir de structure, et même construire par reflets croisés l'humanité du récit. Celle-ci se révèle très faible. Puis, quand la tension naît enfin, les dessins, les formes prennent vie : le dessin de Marina, ses yeux ; la cathédrale en trombe ; mais le noeud se défait vite, et les ruelles anciennes redeviennent promenade, comme le beffroi et le ciel, parce qu'aucune tension humaine n'a été montée et ensuite gardée avec acharnement. Les pensées du titre n'ont aucune force de motif poétique, ils demeurent anaecdotiques, parce qu'ils ne révèlent rien de secrètement ni de profondément humain. Anecdotique comme Chénier, comme Henri III, comme les Chroniques de Froissart du début (cependant, concernant celles-ci, il n'y a peut-être pas de faute ; anecdotiques oui, mais leur mention anecdotique semble justement être un détail vivant, quoique désinvolte - justement parce que cette désinvolture est humaine). Le beffroi et le ciel, en revanche, qui auraient dû dire beaucoup, tombent à plat, ne jouant aucun rôle dans une succession d'évènements mettant la vie en jeu.
Les pensées et les roses est une promenade un peu pâle ; elle peut donner un plaisir de coin confortable, où l'on oublie beaucoup, mais elle ne transcende rien, ne fait pas éclater l'imaginaire de l'amour - ce qui était l'idée de la nouvelle. La Maestà remue bien plus, et laisse une émotion plus profonde, plus ramifiée, plus propre à toucher les cordes de la bonté humaine.

mercredi 24 décembre 2008

Levantines

Deux poèmes déjà démodés issus des Levantines :


SOIR BLANC

Ô Beauté des clochers debout sur l'air confus
Allumant des dédales
L'ombre enserre déjà de tintements perdus
Les longs chantiers ovales.

Mais comme je m'effraie que les Sereins sommeillent !
Leurs béates dérives
Laissent le ciel glacé dormir au fer des treilles
Blanc, sur la perspective.

Vous ! Saints extasiés qui tordent les coupoles
Le vent vous souffle au loin
Si l'on veut faire courber comme vapeur d'alcool
Votre flamme au matin.

Reste ce fleuve de cuivre que brûlent à l'horizon
Les longues cheminées
Et le désir atone de voir rougir le son
Des plaines dépouillées.



ТАВРИДА

Entre les montagnes rondes et les vallées gorgées
La route des maîtres en chute
Et des hommes usés
Vers la mer
- Des pas et des livres grossissent encore les vignes
Longues plages et longues langueurs
Les villes Simferopol Sébastopol Théodosie
Marche grecque
Dans la tiédeur et les floraisons

Là les abricotiers naissent et meurent sur les balcons
Les barques brillent
Et la rive s'ouvre en escaliers

De la plage jusque plus haut que les derniers cyprès
La couleur et la senteur sur les pentes
Somnolence des peuples - indolence du vent
Se perdre voir sous les fleurs
Rire d'une rue et rire de la vie

Et les paupières se ferment
Des lilas poussent et des envies d'amour
Qui peignent sur les murs et cherchent des visages...
Aimer toujours de loin
La mer et la Turquie viennent sonner sous les herbes
Une vieille Lada grimpe la côte
Entre les bleuets à moustache

Mais quand les soirs s'enroulent
Une femme évidemment
- Effroi - dans la longue rue marine
Marine avec des bruits avec des parfums
De femme
Fureur
Le long des barques
C'était déjà Tabriz
C'était Damas
Elle n'est ni jeune ni jolie
ИГНАТ БОРОДАТ

Dansez dansez jeunes grimpantes
Criez
Laissez tomber vos yeux horizontaux
Vos sirènes
Ce qui cloche les fauves iraniens
Vous trouverez toujours comme pour vous rattraper
Dans la danse si vous me laissez
Les bruits ouverts
Les rivières à butin
Les mimosas carnivores
Les révérences
Les secousses
Les philanthropes
Les champs gras
Et les gros Sphinx à tête de cerceaux


Versés comme des patrons


Réflexions après lecture de Modernité modernité de Meschonnic :

La métrique - cet exercice de domination de l'esprit sur le monde, qui catégorise en métaphores, et veut créer une harmonie factice. En rejetant, en fait, le monde.

Le rythme - le combat maintenant avec le monde, c'est-à-dire contre lui, mais tout aussi bien pour lui ; les accélérations et les liens, l'appel, l'indignation face à l'ordre.

A savoir que le poème, en général, est du côté du rythme. Mais le théoricien, le commentateur, celui qui tourne autour de l'oeuvre (et la sort du monde, de l'histoire dirait Meschonnic) est souvent dans l'autre camp.

Veillée de naissance

Aujourd'hui 5 nivôse an 216 de la République (anciennement jour de Noël)... naît un blog dans l'anonymat le plus exact. On s'y occupera de presser le raisin. J'en prends à témoin les saines personnes, ce ne sera pas en vain. Il va se passer des choses bien tôt. Il faudra alors s'organiser.


On dansera la Carmagnole !